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L’utilité des choses
et le besoin d'être INUTILE

Cette semaine, en discutant avec ma psy, j’ai réalisé à quel point mes cours de céramique me faisaient du bien. La prof dit toujours qu’il faut accepter que les pièces deviennent ce qu’elles veulent devenir. Autrement dit, ça ne sert à rien de se battre avec la terre : on modèle comme on peut, et selon plein de facteurs, on obtient une pièce finale.
J’adore ce concept. L’idée que la chose devienne ce qu’elle veut être. Mais aujourd’hui, j’ai envie de parler d’autre chose que j’ai beaucoup appris pendant ces cours : l’utilité des choses.
Ma toute première pièce est toute petite et, soyons honnêtes, potentiellement inutile. Je ne peux pas y mettre beaucoup de liquide, elle n’est ni assez profonde pour être une coupe, ni assez plate pour être une assiette. Un petit bol pour la sauce soja, au mieux haha.
Et la vérité, c’est que : on s’en fout de ce qu’elle est. Ce qui compte, c’est le processus qui l’a faite devenir quelque chose à la fin. Vous connaissez le vieux cliché du “ce qui compte, c’est le chemin, pas la destination” ? Voilà. Et je crois que j’ai enfin trouvé une activité dans ma vie où j’ai compris ça ! Vraiment compris.
Parce que parmi toutes les pièces que je fais, ce n’est jamais le résultat qui compte le plus pour moi. C’est le fait de les faire. Quand je suis rentrée à la maison, mon copain a vu la pièce et n’a pas voulu la toucher. Il avait peur de la casser. Et là, à ma grande surprise, j’ai répondu : c’est pas grave. Si tu la casses, j’en referai une autre.
Jamais j’aurais pensé dire ça un jour. Parce qu’avant, dans une autre vie, j’étais du genre à paniquer pour que tout reste intact. J’avais une peur bleue de casser les choses. Je faisais tout super prudemment. Et aujourd’hui, c’est pas que je suis négligente, pas du tout. Mais je m’attache moins à l’idée que “casser = perdre”, parce que j’ai vécu le processus d’utilisation.
Et maintenant, je vis le processus de création ! Et franchement, c’est transcendantal.
Depuis que j’ai cinq ans (à peu près), je rêve de modeler de la terre. Et aujourd’hui, grâce à la mode des cours de céramique, j’ai enfin cette chance. C’est tout ce que j’imaginais – et bien plus.
J’apprends à m’écouter, à me concentrer sur la création, à accepter les jours où je ne vais pas bien – et donc, la pièce n’arrive pas à se centrer sur le tour. J’apprends à ne pas griller les étapes. Parce que ça sert à quoi, de brûler les étapes ? Le résultat est toujours le même : une pièce fragile. Et comme je ne veux pas ça pour mes créations, je ne veux pas ça pour ma vie non plus.
Je veux me remplir chaque jour des processus les plus complexes, les plus lents, et sentir les effets de ces changements dans ma vie. Pour me construire sans fragilité, avec solidité.
J’ai déjà parlé de hobbies ici, et peut-être que je radote – mais tant pis. Ce sentiment de plénitude que j’éprouve en touchant la terre, c’est ce que je souhaite à tout le monde.
Le mois dernier, j’ai lu un livre qui s’appelle Foco roubado, et j’en suis arrivée à la conclusion que la céramique me met dans un état de “flow” – un concept du psychologue Mihaly Csikszentmihalyi. Pendant longtemps, je me suis demandé si j’avais, moi aussi, une activité qui me mettait dans cet état : ce moment où tu es tellement concentré·e sur ce que tu fais que tu oublies le temps. L’espace. Tout.
Et je crois que je l’ai trouvée. Mon téléphone n’existe plus. Boire de l’eau ? On verra plus tard. Manger ? Pas maintenant. Ce qui s’est passé avant, je m’en fous. Ce qui vient après, pareil.
Je suis pas en train d’atteindre une espèce de Nirvana de la vie haha, mais j’ai trouvé une chose qui me fait réfléchir sur le sens de la vie, la fonction des choses. Et même l’absence de fonction. L’inutilité d’être utile. Trouver un processus qui a du sens devrait être notre priorité dans la vie, je crois. On se sent perdues, angoissées, frustrées, anxieuses parce qu’on n’a pas de plaisir dans nos vies – et donc on ne se concentre que sur le résultat.
Bon, c’était une grande métaphore tout ça, hein ? Une grosse réflexion perchée. Mais j’avais besoin de partager.
Je vous recommande de lire un peu ce que Mihaly Csikszentmihalyi a écrit, et aussi le livre de Johann Hari, Foco roubado (j’ai lu en portugais donc je donne le nom du livre en portugais). Contrairement à tout ce qui se fait sur le focus, l’attention, la dopamine etc., ce livre parle des problèmes collectifs qu’on vit en tant que société – au lieu de juste accuser l’individu. Pour celles et ceux qui aiment la vulgarisation scientifique, c’est une super lecture.
Je vous souhaite un excellent week-end, et que vous trouviez, vous aussi, votre état de flow dans cette vie ❤️